La réalité actuelle nous montre une société indubitablement fragmentée, un constat qui n’est pas sans rappeler la fragmentation d’un disque dur mécanique. Ce phénomène, bien que technique, illustre parfaitement notre condition : comme ces petits fragments de données isolés, nous nous retrouvons en grappes, en tribus, en différents groupes et sous-groupes qui modifient radicalement la dynamique entre la sphère politique et nous, citoyens.
Ce nouvel ordre social est fortement influencé par notre connexion presque permanente à Internet, une entité omniprésente qui a révolutionné notre manière de vivre, de penser et d’interagir. Nous sommes tous, dans une large mesure, des entités autonomes qui disposent de leurs propres opinions sur presque tout. Chaque idée, chaque conviction, chaque pensée, même biaisée, trouve une place dans notre système de croyances, tant qu’elle est partagée par d’autres. Cette profusion d’opinions et de perspectives n’est pas sans conséquences sur notre société.
Ainsi évoluons-nous, pour le meilleur et pour le pire. Le divorce avec Internet n’est pas envisageable. Comment alors, face à cette réalité inéluctable, nous adapter ? Comment réussir la défragmentation nécessaire qui permettrait à notre société de se rapprocher du consensus, de devenir plus unie, du moins autour de certains enjeux fondamentaux ?
Il me semble primordial de débuter par une lutte intense contre le cynisme grandissant chez les citoyens. Cette lutte ne doit pas être seulement discursive ou théorique, elle doit se manifester par des actions tangibles et porteuses. La tâche de combattre le cynisme doit être une mission portée par l’ensemble de la classe politique. Pour appréhender cette situation de manière optimale, il est nécessaire d’étudier les facteurs majeurs ayant conduit à l’aliénation des citoyens vis-à-vis de la sphère politique. Certains exemples sont particulièrement marquants :
- Un gouvernement qui abdique son engagement de réformer notre système électoral ;
- Un gouvernement qui se comporte de façon contradictoire à ses propres promesses électorales ;
- Un rapprochement excessif entre la classe politique et le monde des affaires ;
- Une négation systématique de problématiques sociales indéniables ;
- La façon dont le pouvoir est convoité, exercé, manipulé ;
- Un machiavélisme obsolète et incohérent avec nos valeurs contemporaines ;
- Un autoritarisme désuet et mal adapté.
Il ne faut pas oublier que l’indépendance constitue la pierre angulaire de nos valeurs et de nos ambitions. L’objectif ne consiste pas simplement à réformer le système en place, mais de reconsidérer en profondeur notre approche de la gouvernance.
Cette approche systémique suggère que les problèmes mentionnés sont les symptômes d’une maladie plus profonde, d’un malaise plus généralisé dans notre société. Combattre le cynisme requiert plus qu’une simple réforme de façade ; ça demande une transformation en profondeur.
Nous pourrions envisager des mesures telles que :
- Un engagement renouvelé envers un système électoral plus juste et représentatif, afin de garantir que chaque voix compte;
- Une réforme de la gouvernance pour minimiser l’influence des entreprises et assurer que les décisions politiques sont prises dans l’intérêt des citoyens, et non pour des intérêts privés;
- Une communication politique transparente, honnête et proactive, pour reconstruire la confiance du public;
- Une reconnaissance authentique des problèmes sociaux, accompagnée de plans d’action concrets et à long terme pour y remédier;
- Un désir affirmé de renouvellement politique, impliquant une introspection sur les pratiques de pouvoir et l’abandon d’une approche machiavélique et autoritaire;
- Et enfin, la promotion d’une culture politique centrée sur l’éthique, l’intégrité et le service public.
Ces mesures demanderont un effort concerté et soutenu, mais je crois qu’elles sont nécessaires pour lutter efficacement contre le cynisme et apporter une valeur ajoutée à notre société. C’est un défi de taille, mais c’est précisément en relevant de tels défis que nous pouvons espérer construire un Québec indépendant, florissant et véritablement démocratique.
Toutefois, il convient de préciser que cette réflexion, bien que passionnée et réfléchie, n’a pas la prétention de cerner l’intégralité de la problématique, ni de proposer les seules, ni même les meilleures solutions possibles. Il s’agit de ma perception, de ma lecture de la situation.
Les besoins des citoyens sont réels et variés. Nous avons l’angoisse climatique, les enjeux de la crise du logement, l’itinérance, la pénurie de main d’œuvre, les défis liés à la gestion du système de santé, la lutte contre le décrochage scolaire, l’alphabétisation, l’accès aux ressources en santé mentale, la criminalité qui affecte trop d’adolescents. Cette liste est loin d’être exhaustive, mais elle met en évidence l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés. Lorsque nous ajoutons à cela la fatigue liée à la pandémie, il n’est pas surprenant que de nombreux citoyens se désengagent du contrat social.
Personnellement, j’éprouve parfois des difficultés à croire que le gouvernement pourra un jour se reconnecter avec les citoyens. Le cynisme a parfois l’effet d’un poison lent et insidieux. Cependant, je continue à nourrir l’espoir que notre démocratie peut encore refléter ce que nous sommes et ce que nous aspirons à devenir. Il ne faut pas abandonner cette conviction, car c’est elle qui peut nous guider vers un avenir meilleur et plus équitable.